Bonsoir,
Tu touches du doigt un vaste débat : l'accès gratuit aux résultats de la recherche scientifique. Rassure-toi, même les scientifiques (chercheurs, enseignants-chercheurs), nous sommes très sensibilisés à ce blocage. Nos laboratoires, nos universités doivent payer des sommes énormes pour avoir un accès à des bases de données scientifiques, ou à être abonnés à des revues. Nous ne pouvons pas faire autrement, sinon nous ne pourrions pas travailler, tout simplement… Donc ces sommes font partie du budget de dépense quasiment obligatoire.
Par exemple, mon université débourse chaque année 15 000 € pour avoir accès aux revues d'une célèbre société de chimie américaine (ACS)

(et encore peut-être est-ce un tarif réduit car nous sommes groupés entre plusieurs universités, c'est possible). Si on cumule toutes les revues des scientifiques, des juristes, des littéraires, les moteurs de recherches spécialisés, etc. on arrive à une dépense annuelle de 430 000 €. Et encore, il nous manque pas mal de revues importantes pour nous, que l'on peut obtenir parfois via le CNRS. Autrement, c'est la débrouille : on demande à un collègue sympa dans une autre université s'il veut bien nous envoyer tel ou tel article… Mais on ne le fait que dans un cas désespéré, pour ne pas importuner le collègue sympa.
Oui, tu as raison de dire que les étudiants "
ne savent pas la chance qu'ils ont !". Car, en effet, les étudiants ont accès aux mêmes ressources que les chercheurs des labos. Mais les étudiants (en Licence en tous cas) trouvent cela très rébarbatif… et il est tellement plus simple de se contenter de Wikipedia et de Google pour faire son travail.

Bon aller je caricature un peu, mais ce n'est pas très loin de la réalité…
Les étudiants, tout comme les personnels, ont interdiction de prêter leur identifiant/mot de passe. Les étudiants doivent même signer une charte pour cela ! C'est pour des raisons de sécurité, car généralement c'est le même mot de passe qui est utilisé pour la messagerie ou l'accès à l'intranet, etc. Un étudiant qui se ferait "attraper", pourrait voir son accès coupé à toutes ressources de son université. Il existe des mots de passe pour les laboratoires aussi, qui ne sont pas attachés à une personne en particulier. Inutile de te dire que si on diffusait ces identifiants, on serait vite repéré et les journaux nous couperaient l'accès… c'est déjà arrivé quand un collègue avait téléchargé un peu trop d'article du même journal en une seule journée : l'accès a été coupé à toute l'université !
Des solutions de contournement existent, plus ou moins officielles :
- Il existe un groupe Facebook pour demander des articles. Les étudiants (et les chercheurs pauvres

) utilisent beaucoup ce groupe. Il faut donner les références exactes de l'article et un mail (de préférence un mail poubelle et anonyme qui ne servira qu'à recevoir les articles…). Là c'est carrément pas officiel…
- Il existe des réseaux sociaux professionnels : Viadeo, LinkedIn… c'est surtout pour trouver du travail, des stages, trouver des gens qui travaillent sur les mêmes sujets, etc. et c'est assez limité pour contacter des gens à part en payant un abonnement cher. Mais il existe des réseaux plus dans la "recherche scientifique", par exemple
https://www.researchgate.net/ En fait, n'importe qui peut s'y inscrire. Et une fois inscrit, on peut rechercher des gens, voir leurs articles, et même télécharger leurs articles s'ils les mettent en ligne. C'est plus officiel que Facebook, cependant, en théorie, les chercheurs n'ont pas le droit de diffuser les articles venant des revues scientifiques payantes,
même s'ils en sont auteurs ! Dans le fichier PDF est inscrit quelque part (invisible) l'identifiant et le n° IP du poste qui a récupéré le PDF, donc un éditeur peut retrouver qui a diffusé l'article et lui demander de régler la facture... Si un article n'est pas téléchargeable, on peut cliquer sur "REQUEST FULL ARTICLE", cela envoie un message à l'auteur en lui signalant que la personne est intéressée. Dans ce cas, l'auteur envoie l'article soit par mail, soit il le met en ligne.
- Si tu es intéressée par un article, repère l'auteur principal et regarde s'il a son propre site web. (Merci Google) Parfois, les chercheurs mettent les PDF des articles sur leur site web perso, à leurs risque… Par contre, chaque auteur peut mettre en ligne la "version d'auteur" de son article, c'est-à-dire la version brute, sans la mise en forme faire par l'éditeur du journal. On trouve beaucoup de versions d'auteur. Le problème est que n'importe qui peut mettre en ligne n'importe quoi, par exemple une version contenant des fautes, ou un article refusé (par un journal) et qui contient plein d'erreurs, etc.
- Autre méthode, très simple : envoyer un mail directement à l'auteur de l'article (ou "corresponding author", toujours indiqué clairement dans l'article) pour lui demander gentiment s'il peut nous envoyer le PDF par mail. Il faut écrire en anglais pour les chercheurs étrangers, bien sûr. En général, l'auteur est sympa et envoie l'article, surtout si on y met les formes de politesse dans le mail, avec un peu de flatterie (ne pas lésiner sur le titre "Professor"

en tous les cas, le minimum est "Doctor")
Voilà… bonne chance ! Et surtout, ne perd pas cette passion, et l'envie d'en découvrir encore plus, la curiosité. C'est la clé de tout.
